En lisant le commentaire n°46 du samedi 22 novembre 2008 à 19:13, posté par A. Laurent, JP Lorillard, JC Gulia, conseillers municipaux à Chinon sur le blog de la Nouvelle République en réponse à la question : l'incinérateur est-il indispensable en Indre et Loire ?, on se dit que voici des hommes responsables qui souhaitent sincèrement le bien de leur communauté et de la terre que nous léguerons à nos enfants et qui s'informent. Retenons toutefois, que le premier d'entre eux est Directeur de la Communication de la Centrale nucléaire d'Avoine.
Alors, d'où proviennent les informations diffusées aux élus délégués du SMICTOM, pour leur permettre, en leur âme et conscience et dans le respect du principe de précaution constitutionnel en terme de protection de leurs administrés, de trancher la question sur l'utilité et l'innocuité de l'incinération des déchets ?
Voici l'un des documents envoyé sans réserve, le 16 juillet 2007 par le Président du SMICTOM aux élus délégués. Titre : le "Manifeste pour l'incinération". Auteur: "Groupe TIRU. producteur d'énergie verte" et ... filiale d'EDF. Doc TIRU info SMICTOM 16.07.08.pdf
Pour en savoir plus sur le groupe TIRU
Cette brochure publicitaire peut désormais servir de référence à brandir, à qui ne souhaite pas y réfléchir plus loin, pour démontrer le bien fondé de la construction d'un nouvel incinérateur de déchets ménagers et assimilés de l'agglomération tourangelle et au-delà sur le site de l'Hôpital Rabelais, à Chinon-Saint Benoît.
Voyons : dans leur commentaire, nos 3 élus citent le manifeste, pour invoquer l'ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise d'Energie) comme garante de l'innocuité des incinérateurs et de leurs extraordinaires vertus environnementales : "Comme le souligne l'ADEME, (...) l'incinération (...) a un effet positif sur l'effet de serre (...)". Ici, EDF-TIRU transforme le fait que l'incinération émet moins de méthane que le stockage en milieu ouvert des déchets organiques (méthode d'ailleurs préconisée par personne) en impact positif de l'incinération sur l'environnement et sur l'effet de serre.
Fort heureusement, l'ADEME reste très prudente sur les incinérateurs, et multiplie les précautions pour éviter aux élus et administrateurs avertis de tomber un jour, qui sait, sous le coup d'un procès aux Assises pour complicité d'empoisonnement volontaire et mise en danger de la vie d'autrui (Article 223 du Code Pénal), comme en leur temps les zélés promoteurs de l'amiante, de l'hormone de croissance, du sang contaminé, du nuage radioactif de Tchernobyl refoulé aux frontières françaises, et autres bienfaiteurs de l'humanité.
L'ADEME préconise le respect des lois et règlementations très strictes en matière d'installations classées à risque pour la santé et la protection de l'environnement et y renvoie systématiquement : http://www.ademe.fr
Et notamment à l'article 3 de l'arrêté du 20 septembre 2002, qui proscrit la construction d'incinérateurs à proximité immédiate d'établissements de santé, d'écoles, de crèches ... en vertu duquel la construction d'un nouvel incinérateur à proximité immédiate du Centre Hospitalier du Chinonais (50 mètres) ne sera jamais autorisée au terme de l'enquête publique et de l'étude d'impact, et ce quelques soient les gesticulations de M. Duvergne.
Car ce qui a été possible en 1983 (la construction de l'incinérateur actuel à l'Hôpital Rabelais, dont la "mise aux normes" n'a été entreprise qu'en 2001) ne l'est plus aujourd'hui, les temps ont changé. Le principe de précaution de la Charte de l'Environnement figure maintenant en préambule de la Constitution Française, au même titre que la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Les incinérateurs de déchets ménagers et industriels en vrac comme le nôtre sont maintenant des installations classées et surveillées à des fins de prévention des risques et de lutte contre les pollutions organiques persistants. Voir à ce propos le site de l'Inspection des Installations classées.
Nos 3 élus de Chinon, tout comme EDF-TIRU, appellent également l'OMS (Organisation mondiale de la Santé) à la rescousse, et de manière catégorique : "L'OMS considère comme nul le risque des incinérateurs sur la santé publique". Et de citer un extrait tronqué du texte de présentation d'une brochure pédagogique d'éducation sanitaire pour débutant en zone sous-développée, qui n'a rien à voir avec l'incinération industrielle, et qui ne comporte aucune appréciation médicale autre que : "l'incinération ne convient pas à tous les types de déchets".
Voici en réalité ce qui est écrit sur le site de l'OMS, dans son aide mémoire N°225 sur les dioxines:
" Les dioxines sont des polluants de l'environnement. Elles ont la caractéristique douteuse d'appartenir au groupe appelé «dirty dozen», une douzaine de produits chimiques dangereux qui sont des polluants organiques persistants. Elles posent problème à cause de leur toxicité potentielle élevée. L'expérimentation a montré qu'elles affectaient un certain nombre d'organes et de systèmes. Une fois que les dioxines ont pénétré dans l'organisme, elles s'y maintiennent longtemps à cause de leur stabilité chimique et de leur capacité à être absorbée par les tissus adipeux, dans lesquels elles sont stockées. On estime que leur demi-vie, le temps nécessaire pour perdre la moitié de son activité dans l'organisme, va de sept à onze ans. Dans l'environnement, elles tendent à s'accumuler dans la chaîne alimentaire. Plus on monte dans cette chaîne, plus les concentrations en dioxines augmentent.
(...) En termes d'émissions dans l'environnement, les incinérateurs de déchets (déchets solides et déchets des hôpitaux) sont souvent les pires producteurs de dioxines en raison d'une combustion incomplète."
( Source : http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs225/fr/ )
De plus, si l'on tape "incinération des déchets" sur le moteur de recherche du site de l'OMS (http://www.who.int/fr/), c'est l'Arrêté français du 20 septembre 2002 relatif aux incinérateurs (cité plus haut) qui s'affiche en premier.
Le prospectus TIRU-EDF s'appuie aussi sur le rapport d'octobre 2004 du Comité de la Prévention et de la Précaution (CPP) : "Les Incinérateurs d'Ordures Ménagères : Quels Risques, Quelles Politiques ?". Incinerateurs Quels risques Quelles politiques CPP 2004.pdf EDF-TIRU conclut de ce rapport : "Les experts scientifiques auteurs d'études sur l'impact sanitaire concluent que pour des installations conformes à la réglementation en vigueur - comme le sont les 123 usines du parc français actuel - les risques associés peuvent être considérés comme négligeables."
En vérité, voici la conclusion réelle et bien prudente de ce rapport, largement dépassé par ailleurs puisqu'il date de 2004 : "Le CPP considère en premier lieu que l'impact actuel et futur de l'incinération semble maîtrisé mais qu'il reste des incertitudes à lever. Il est cependant essentiel de développer la surveillance de l'environnement des sites actuels et urgent de promouvoir une politique de prévention de l'augmentation du volumes des déchets. En deuxième lieu, la mise en oeuvre des mesures de prévention actuelles (réglementaires) doit être accélérée. Enfin, les pratiques de l'évaluation experte doivent être rendues crédibles et acceptables par le public, ce qui implique qu'une réflexion très large soit conduite sur ce point en favorisant une politique ambitieuse de participation." Ceci renvoie aux exigences abordées ci-dessus : application du principe de précaution, démocratie participative, respect scrupuleux et vérifiables des réglementations".
Pour finir, la brochure TIRU-EDF assène son coup de grâce : "Les conclusions des études épidémiologiques menées par l'INVS (Institut National de Veille Sanitaire) et l'AFSSA (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments) en 2006 établissent l'absence de risques sanitaires associés aux unités actuelles de valorisation énergétiques des déchets".
Le problème persiste que ces deux organismes n'ont effectué aucune étude épidémiologique sur les risques sanitaires associés aux incinérateurs actuels ! Ce que l'INVS a établi, par contre, c'est l'augmentation spectaculaire des cas de cancers constatés dans les années 1990 et début 2000 chez les populations ayant vécu à proximité d'un incinérateur dans les années 1970-1980 (rapport dont les conclusions définitives ont été publiées en mars 2008, et qui a semé la consternation). L'INVS a constaté que les incinérateurs aux normes actuelles rejettent moins de dioxines qu'avant, ce que tout le monde sait et que personne ne conteste.
Mais ils en rejettent tout de même, et la communauté médicale s'accorde aujourd'hui (voir les notes et documents sur ce site pour les nombreuses prises de position du corps médical contre les incinérateurs) pour invoquer le principe de précaution et à considérer qu'avec les dioxines, il n'y a pas d'effet de seuil : les effets cancérigènes, génotoxiques et mutagènes peuvent apparaître quelque soit la dose d'exposition, seule compte la durée d'exposition au risque, aussi minime soit-il. L'effet pathogène apparaît dès la première molécule de dioxine absorbée et s'accroît à chaque nouvelle molécule ingérée. On ne peut plus se contenter de rejeter un tout petit peu de dioxines, il ne faut plus en rejeter du tout.
Pour en revenir à nos 3 conseillers municipaux, apparemment droits dans leurs bottes, il faut leur répondre qu'un élu se doit, non pas de se sentir "dépossédé" de ses prérogatives, ni "défié" lorsque ses administrés lui demandent d'explorer d'autres façons plus respectueuses de la santé de gérer le traitement des déchets. Non, de telles considérations relèvent d'un orgueil malvenu.
Nos élus se doivent de veiller scrupuleusement à ce que le principe de précaution soit appliqué afin de préserver l'intégrité à la fois de la santé publique et de notre environnement.
Comme le dit si bien l'ADEME, ce sont "essentiellement des questions de préservation de l'environnement et des ressources ainsi que les craintes pour la santé qui motivent les opposants à l'incinération. De plus, ce sont les craintes et les oppositions fermes qui révèlent les questions les plus pertinentes et qui conduisent les pouvoirs publics et les industriels à faire des progrès, sous réserve que l'ensemble des acteurs s'inscrit dans une démarche constructive..." Cette démarche concertée a porté ses fruits à Clermont et à Angers, pour ne citer qu'elles, où des projets alternatifs réellement respectueux de la santé et de l'environnement sont en train d'être mis en oeuvre. Pourquoi pas en Indre et Loire ?